Le rôle des élus : étouffer la haine plutôt que jeter de l’huile sur le feu…
En tant que représentante du gouvernement fédéral pour notre capitale, je me suis fait un devoir de travailler sur des questions d’intérêt commun en collaboration avec mes collègues d’autres ordres de gouvernement et avec les dirigeants des Wolastoqiyik, élus et traditionnels, sur le territoire desquels je vis et travaille. En de nombreuses occasions, j’ai offert au premier ministre Higgs et à la ministre des Affaires autochtones, Arlene Dunn, de les aider à mieux comprendre certains sujets, de partager des points de vue qui n’ont peut-être pas été pris en compte et de favoriser l’établissement des ponts nécessaires pour garantir la prospérité et l’inclusivité du Nouveau‑Brunswick pour tous.
La décision du premier ministre la semaine dernière d’annuler les conventions fiscales signées par 13 communautés des Premières Nations est un pas dans la mauvaise direction pour améliorer les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones. La méthode utilisée par le premier ministre Higgs pour annoncer cette décision — dans le cadre d’une conférence de presse sans informer à l’avance les dirigeants des Mi’kmaw et des Wolastoqiyik — témoigne d’un manque total de respect.
La semaine dernière, un article du Telegraph Journal a cité une de mes déclarations affirmant que notre premier ministre « attise les flammes du racisme avec ses mensonges et son ignorance » [TRADUCTION]. J’ai reçu beaucoup de commentaires concernant cette déclaration de personnes me demandant de m’expliquer, d’être plus respectueuse ou d’être moins émotive ou d’essayer de trouver des solutions en coulisses. Je demande à ces critiques de revoir leurs réponses. Le premier ministre s’est-il expliqué? A-t-il fourni une justification éclairée pour expliquer cette mesure unilatérale? Où est le respect dont il devrait faire preuve envers les premiers habitants de ce territoire?
Ses commentaires visant à défendre ses actions contribuent aux mythes et aux stéréotypes. Le premier ministre Higgs a attribué les malheurs du Nouveau‑Brunswick aux peuples des Premières Nations et a permis à la haine et au mépris dissimulés de remonter à la surface dans notre province.
Je suis d’avis que les représentants élus devraient s’imposer une norme plus élevée sur le plan de la vérité et du professionnalisme. Je crois aussi que notre premier ministre a omis de le faire.
Le premier ministre Higgs parle de réserves « très riches » et soutient que l’annulation de ces conventions permettra, en quelque sorte, de répartir les richesses. Dans une liste des codes postaux désignant les régions les plus démunies au Canada, plusieurs correspondent à des communautés des Premières Nations situées au Nouveau-Brunswick. Le recensement de 2016 a permis de constater que le revenu moyen d’un membre d’une communauté des Premières Nations du Nouveau‑Brunswick est inférieur de 11 000 $ au revenu moyen provincial. Ces conventions finançaient des initiatives dans les domaines de l’éducation, de la formation, du logement, de la langue et de la culture aidant ces communautés à combler cet écart de revenu. Si c’est la répartition des richesses qui intéresse le premier ministre, il devrait s’attaquer aux milliardaires qui se sont enrichis en exploitant ces terres non cédées plutôt que de maintenir leurs subventions et allègements fiscaux.
Les réserves ne relèvent pas de la compétence provinciale. Il n’existe pas de loi exigeant que les communautés des Premières Nations paient un impôt provincial. Les conventions fiscales assuraient une égalité des chances pour les entreprises à la fois dans les réserves et hors réserve; l’annulation des conventions entraînera de l’incertitude pour le milieu des affaires.
Nous évoluons dans le respect des traités de paix et d’amitié signés en 1725 et 1726, qui officialisaient l’idée que les colons et les Premières Nations vivraient dans la paix et l’amitié. Le premier ministre doit sérieusement réévaluer sa définition de l’amitié. Plutôt que de célébrer la croissance et la prospérité des communautés autochtones, notre premier ministre veut condamner cette réussite et démoraliser les résidents.
Quelques jours seulement avant cette annonce, la Première Nation du Madawaska a eu gain de cause dans un règlement historique concernant le transfert illégal de terres initialement réservées à la Première Nation en 1787. Le règlement rapportera au Nouveau‑Brunswick 145 M$ en fonds fédéraux. Il permettra aussi à la communauté de demander que les terres soient ajoutées à la réserve. C’est une victoire pour la population de cette province, même si le premier ministre n’est pas de cet avis.
Les communautés des Premières Nations ont été prises pour cible et elles ne se tairont pas.
Je serai heureuse de collaborer avec mes collègues provinciaux pour aider à réparer les torts causés, mais une guérison doit s’opérer avant que notre travail puisse commencer. Et chose plus importante encore, ce n’est pas sur les peuples autochtones que doit reposer le fardeau de la réconciliation. La ministre Dunn ne peut s’asseoir à une table vide et dire qu’elle fait de son mieux pour trouver une solution. Un dédommagement et une responsabilisation sont nécessaires. Nous n’y sommes pas encore et je crains que ce premier ministre ne souhaite pas y arriver.
Jenica Atwin est députée fédérale de Fredericton. Son mari et ses enfants sont membres de la Première Nation d’Oromocto.