• Post published:octobre 27, 2020
  • Reading time:8 mins read
  • Post category:À Ottawa
Monsieur le Président, aujourd’hui, nous discutons encore une fois de la haine à laquelle les membres de la communauté 2ELGBTQQIA sont toujours exposés. C’est important pour moi de l’exprimer ainsi, car c’est la vérité sur ce qui continue de se produire au Canada, malgré les progrès que nous avons réalisés. Sans protections ni dispositions législatives adéquates, les Canadiens sont susceptibles d’être victimes de la haine et d’éprouver la souffrance et la douleur qui en résultent.
 
J’attends avec impatience le jour où tous les Canadiens seront libres d’être eux-mêmes, où ils seront reconnus pleinement pour ce qu’ils sont, sans avoir ni honte ni peur, et où ils se sauront aimés et représentés partout dans la société.
Quelqu’un a déjà dit que sans estime de soi, on ne peut pas aimer son prochain. Je n’ai aucun doute que ce principe est inscrit en filigrane dans la Charte canadienne des droits et libertés.
 
C’est avec cette idée en tête que j’ai l’honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi C-6, Loi modifiant le Code criminel pour y ajouter des dispositions qui limitent les répercussions négatives de la thérapie de conversion au Canada, quoique ce projet de loi ne va pas assez loin pour l’éliminer complètement.
 
La semaine dernière, dans ma réponse au discours ministériel, le jour où le projet de loi C-6 a été présenté, j’ai eu le privilège de discuter de la lutte pour les droits des Canadiens de la communauté 2ELGBTQQIA ainsi que de la confirmation et de la reconnaissance de ces droits au cours des dernières décennies. Mes collègues du Parti vert et moi voterons certainement pour le projet de loi et, ce faisant, je penserai à toutes les personnes que j’ai rencontrées qui ont souffert de la thérapie de conversion ainsi que de la honte et du dégoût d’elles-mêmes qui en ont résulté et qu’elles ont dû surmonter.
 
De nombreux Canadiens et de nombreux députés, ont vu le film biographique Garçon effacé, qui relate l’histoire d’un jeune homme de l’Arkansas qui a dû se rendre au Tennessee pour participer à une thérapie de conversion. Quand on entend cette histoire, il est facile de qualifier ce type de thérapie de mal. Il est facile de penser que ce type de thérapie n’existe pas au Canada. La vérité est que cela se produit aussi chez nous; cela se fait simplement en catimini et de manière plus insidieuse.
Un homme courageux de ma circonscription a raconté son histoire à un journaliste de la CBC il y a quelques années dans le but d’aider d’autres personnes. Il était originaire d’une communauté rurale du Nouveau-Brunswick. Démasqué à l’adolescence parce que quelqu’un avait regardé l’historique du navigateur de son ordinateur, cet homme avait été contraint de suivre des séances de counseling religieux dans une ville avoisinante. On lui avait dit qu’il devait prier pour obtenir l’aide de Dieu afin de changer parce que ses sentiments étaient des péchés et qu’ils découlaient simplement d’un choix.
La conseillère a suggéré à cet homme de reléguer ses sentiments homosexuels dans un tiroir de son cerveau et de demander à Dieu de l’aider à garder ce tiroir fermé. Elle lui a donné des conseils pour éviter toute tentation future, par exemple « d’éviter les situations flamboyantes ». Je suis bien contente qu’il ait ignoré ce conseil ridicule. Cet homme est un chef de file de notre communauté et une source d’inspiration pour les jeunes d’aujourd’hui qui veulent être fiers de ce qu’ils sont. Cette expérience préjudiciable l’a contraint à lutter contre un sentiment de honte durant toute son adolescence et le début de sa vie d’adulte.
 
La vérité, c’est que dans les sous-sols d’église et les foyers familiaux de tout le pays, des enfants, des adolescents et des adultes se font dire de cacher leur vraie nature et d’en avoir honte. Ce qui est vraiment honteux, dans tout cela, c’est le tort que nous causons à l’esprit et au cœur de ces jeunes. Nous limitons leurs capacités en freinant leur croissance personnelle. Nous les maintenons dans l’obscurité.
 
Ce processus cause un tort incommensurable à ces personnes. Il renforce la stigmatisation, les mythes et les mensonges. Il a une profonde incidence sur leur estime de soi et leur confiance en soi.
 
La nature destructrice de cette pratique est reconnue dans le monde entier, et il est également reconnu que le droit pénal est un recours approprié pour remédier à ce préjudice. Nous ne criminalisons pas les propos, comme nous l’avons si impitoyablement entendu à la Chambre. Il ne devrait y avoir aucun doute sur ce qu’est la thérapie de conversion et sur notre responsabilité, qui est d’interdire cette pratique.
 
Durant son intervention d’hier, le ministre de la Justice a dit que le projet de loi visait à criminaliser la pratique de la thérapie de conversion. Il a dit que cet objectif reflétait l’engagement du gouvernement à éradiquer cette pratique discriminatoire qui va à l’encontre des valeurs canadiennes. Il nous a rappelé que de nombreuses associations professionnelles reconnaissaient que la thérapie de conversion pouvait avoir des séquelles sur la santé mentale et physique, et même pousser certaines personnes au suicide. Je suis tout à fait d’accord avec le ministre. Il faut en finir avec la thérapie de conversion.
 
Je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi nous n’allons pas au bout de la question avec ce projet de loi, au lieu de laisser la porte ouverte à une dangereuse échappatoire.
 
Le projet de loi C-6 interdirait la pratique de la thérapie de conversion pour les mineurs, mais pas pour les adultes. Le libellé précisant qu’on ne peut faire suivre une thérapie de conversion à une personne contre son gré ne suffit pas à protéger efficacement les Canadiens les plus susceptibles de subir des pressions de la part de leurs proches pour qu’ils suivent une thérapie de conversion. En laissant la porte ouverte à la thérapie de conversion et en supposant qu’une personne pourrait choisir cette pratique abusive, nous plaçons des Canadiens devant un choix impossible: subir la thérapie ou perdre l’amour et le soutien de leur famille.
 
Le projet de loi interdit clairement aux gens de tirer profit des thérapies de conversion. Ainsi, il sera impossible de faire de la publicité en vue d’offrir une telle thérapie, qu’elle soit destinée à des enfants ou à des adultes. C’est une pratique condamnable, tout simplement, une pratique qui est, comme on le sait, brutale et cruelle. Le ministre a affirmé à juste titre qu’il s’agit d’une pratique discriminatoire qui va à l’encontre des valeurs canadiennes. En tant que parlementaires, ne devrions-nous pas respecter le droit qu’ont tous les Canadiens de protéger leur sécurité? Quand une pratique cause du tort aux gens, il est légitime que le gouvernement décide de la criminaliser.
 
J’irais même plus loin: il serait lâche de laisser aux Canadiens queers de partout au pays la lourde tâche d’avoir ce genre de conversation avec leur famille sans plier sous la pression, s’ils ne pouvaient pas s’appuyer sur une loi qui dénonce fermement cette pratique. Ce serait laisser des Canadiens composer avec un défi que nous n’avons pas le courage de relever nous-mêmes dans la sphère publique.
 
Je repense au concitoyen que j’ai déjà mentionné. Je regrette tout le temps qu’il a perdu à se débarrasser d’un sentiment de honte dont personne n’aurait dû l’accabler. En travaillant de concert, nous pouvons faire de ce projet de loi la mesure dont les Canadiens ont besoin, afin que personne ne vive ce qu’a vécu mon concitoyen.
 
J’appuierai le projet de loi quand il sera mis aux voix, et je proposerai des amendements en vue de l’améliorer pendant l’étude en comité.
 
S’il y a une chose que je voudrais qu’on retienne de mon intervention d’aujourd’hui, c’est que peu importe qu’une personne soit bispirituelle, lesbienne, gaie, bisexuelle, trans, queer, intersexuelle, asexuelle ou autre, elle a sa place. Tous ces gens ont le droit de vivre en sécurité au même titre que n’importe quel Canadien hétérosexuel cisgenre. Ils font partie intégrante de la société canadienne et si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour nous battre à leurs côtés afin qu’ils obtiennent le respect et l’amour auxquels ils ont droit et qu’il en soit ainsi pour les générations à venir.