• Post published:février 18, 2021
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  • Post category:À Ottawa

Revenu de subsistance garanti

Monsieur le Président, je prends la parole pendant le débat d’ajournement au sujet d’une question que j’ai posée la première fois le 10 décembre pendant la période des questions.

Nous avons mis sur le compte de la pandémie le fait que des gens vivent de l’anxiété financière et se retrouvent dans de piètres conditions de vie, mais la vérité, c’est que ces situations existaient déjà. Assurément, la pandémie a exacerbé les inégalités, mais elles étaient déjà là. Il y a de la pauvreté, de l’anxiété financière et de l’itinérance dans toutes les circonscriptions du pays et je suis certaine que mes collègues en sont conscients en raison des appels qu’ils reçoivent chaque semaine à leur bureau. Les histoires qui me brisent le cœur et qui m’empêchent de dormir sont celles pour lesquelles il n’existe aucune autre solution que de mettre en place un revenu minimum garanti.

Pourquoi est-il nécessaire de mettre en place le revenu minimum garanti maintenant? Au début de la pandémie, le gouvernement a fait la preuve que les Canadiens qui se retrouvent soudainement sans travail ont besoin de 2 000 $ par mois pour vivre. Le gouvernement sait-il que dans ma province, le Nouveau-Brunswick, des gens de ma circonscription doivent vivre avec 564 $ par mois?

La pandémie a fait exploser l’insécurité en matière de revenus, en particulier chez les travailleurs à faible revenu et chez ceux qui gagnent le salaire minimum. Comme l’a souligné mon collègue de Nanaimo—Ladysmith, cela a provoqué une forte croissance des besoins en matière de logement. Ceux qui sont admissibles à l’aide gouvernementale s’en sortent, mais qu’en est-il de ceux qui n’y ont pas droit ou de ceux dont les prestations arriveront bientôt à échéance?

Le premier ministre affirme souvent que personne ne sera laissé pour compte. Or, la vérité, c’est que son ensemble disparate de programmes de soutien financier laisse de nombreux Canadiens pour compte, ce qui coûte une fortune aux contribuables. Je suis convaincu que la mise en place d’un revenu minimum garanti est la solution à beaucoup de problèmes. D’un seul coup, le gouvernement pourrait mettre fin à la pauvreté.

Je pense à la personne qui a un revenu de pension fixe ou qui compte sur des prestations d’invalidité comme principale source de revenus et qui, chaque année, doit composer avec l’augmentation du coût de la vie, qui augmente à un rythme nettement plus élevé que la bonification des prestations qu’on leur accorde. Je pense aux gens qui essaient de dormir dans le parc Wilmot, à Fredericton, et qui se font déplacer par les policiers. Ils pourraient avoir les moyens de se payer un loyer. Je pense à la personne âgée qui a passé des années à prodiguer des soins gratuitement à toutes les personnes qui l’entourent et qui peine maintenant à joindre les deux bouts pendant les dernières années de sa vie. Je pense à la femme qui fuit la violence conjugale et qui n’aurait pas besoin de s’inquiéter de se retrouver dans la rue ou de perdre ses enfants.

La mise en place d’un revenu minimum garanti peut aussi mettre fin à des inégalités systémiques. Les programmes disparates que nous avons à l’heure actuelle perpétuent le racisme systémique, la discrimination fondée sur la capacité physique et la misogynie. Si le gouvernement prend ces enjeux réellement au sérieux, il pourrait commencer par adopter la mesure la plus efficace, soit un revenu minimum garanti.

Tâchons de ne pas ignorer les avantages économiques du revenu minimum garanti, notamment la réduction de la crise grandissante de la pauvreté, ce qui aurait pour effet de réduire la demande de services sociaux, de services de police et de services de santé. Selon un rapport du Canadian Centre for Economic Analysis, l’argent injecté dans l’économie grâce au revenu minimum garanti la ferait croître de 80 milliards de dollars par année, créerait des centaines de milliers d’emplois et aiderait les entreprises du Canada, tout en permettant de sortir 3,2 millions de familles canadiennes de la pauvreté. Nous avons pu observer le même effet lorsque la prestation fiscale pour enfants a été créée. Il est temps de poursuivre le travail dans la même optique.

Enfin, je crois aussi que le revenu minimum garanti est la meilleure occasion qui nous est offerte de lutter pour sauver notre planète. La participation au mouvement écologique semble être un privilège puisqu’une personne ne peut pas lutter contre les changements climatiques si elle doit chaque jour s’efforcer de répondre à ses besoins essentiels et d’assurer sa survie. Les gens et les collectivités ne peuvent pas changer leur mode de vie, adopter de nouvelles façons de travailler, remplacer les combustibles fossiles et bâtir une économie durable à faibles émissions s’ils doivent en même temps se remettre de la crise de la COVID-19 et subir le calvaire de la pauvreté. Le revenu minimum garanti constituerait un filet de sécurité financière protégeant tout le monde au Canada, en particulier lors des transformations économiques majeures, des catastrophes naturelles, des grandes vagues d’automatisation de l’industrie, des pertes d’emplois et des pandémies mondiales.
 
On nous dit que nous devons nous préparer à traverser encore d’autres moments difficiles, mais comment les gens pourront-ils y parvenir s’ils ne peuvent pas compter sur une assistance universelle adéquate?
Monsieur le Président, je remercie vivement le secrétaire parlementaire pour les propos qu’il vient de tenir. Je ressens le même élan. Cependant, à mon avis, la question est la suivante: dans quel genre de société voulons-nous vivre et élever nos enfants? C’est la question avec laquelle nous sommes actuellement aux prises, surtout face à la reprise économique après la COVID-19.

À mon avis, les décisions gouvernementales devraient être prises en fonction de plusieurs indices de la qualité de vie. Tous les Canadiens ont le droit de vivre dans la dignité, avec un revenu minimum garanti, un logement accessible et abordable, un approvisionnement alimentaire sûr, des services de santé élargis, y compris des services en santé mentale, et les ressources dont ils ont besoin pour répondre à leurs besoins fondamentaux. Le revenu minimum garanti est un pilier nécessaire pour assurer le bien-être.

Sans la création de la Prestation canadienne d’urgence et d’autres programmes d’aide d’urgence, des millions de Canadiens se seraient retrouvés dans une situation extrêmement difficile. Ce ne serait pas exagéré de dire que la PCU a permis de garder des gens en vie. Même avec ces prestations d’urgence, alors que la pandémie se poursuit, trop de personnes manquent encore d’aide et passent entre les mailles du filet, comme l’a dit le député. Voici donc la question: qu’est-ce qui remplacera ces prestations lorsqu’elles prendront fin?

Le secrétaire parlementaire a parlé d’une réforme, et je crois que la création d’un revenu minimum garanti devrait en faire partie. De nombreux projets pilotes ont été réalisés, et nous pouvons en tirer bien des leçons.

Ceux qui critiquent l’idée de créer un revenu minimum garanti diront souvent que cette mesure pourrait rendre le recrutement des travailleurs plus difficile. Or, d’après les résultats d’études, nous savons que ce n’est pas le cas. On a même observé une hausse de 17 % du nombre de travailleurs à temps partiel selon une étude réalisée en Alaska.
 
Encore une fois, le moment est bien choisi pour que tous les partis et tous les intervenants de la société civile collaborent à la mise en place d’un revenu minimum garanti. Cependant, on ne peut pas reconstruire quelque chose sur des fondations…