Monsieur le Président, je suis heureuse d’avoir l’occasion de parler du projet de loi C-30 et de partager certaines de mes réflexions, non seulement sur le budget du gouvernement et sa mise en œuvre, mais aussi sur la façon dont le gouvernement conçoit sa relation avec les Canadiens.
J’ai été franche dans ma critique de ce budget. Il y avait de bonnes choses et des raisons d’être optimiste, mais en fin de compte, ce budget tant attendu ne fait pas preuve du courage nécessaire pour guider notre pays vers un avenir nouveau et audacieux. Les Canadiens n’ont pas reçu une image claire des mesures concrètes qui seront prises pour nous sortir de notre heure la plus sombre. Ce dont nous avons tous besoin, c’est de leadership.
Un leader parle avec clarté. Au lieu de cela, souvent, le gouvernement tourne en rond et envoie des messages contradictoires. Le gouvernement a clairement déclaré que nous atteindrons la carboneutralité d’ici 2050, tout en omettant complètement de dire que la décennie dans laquelle nous nous trouvons actuellement est la plus importante si nous voulons éviter les pires effets du changement climatique.
Un leader parle avec cohérence. D’une part, le gouvernement a déclaré une urgence climatique en 2019, puis, le mois suivant, il a acheté le pipeline Trans Mountain pour le guider dans sa construction et ainsi plus que doubler la production des sables bitumineux.
Un leader agit avec intégrité. Le gouvernement affirme qu’aucune relation n’est plus importante que celle avec les peuples autochtones, mais nous voyons des injonctions judiciaires appliquées sur des terres non cédées dans tout le pays au nom de la loi et de l’ordre. La réconciliation a perdu son sens.
Ce budget n’est qu’un autre exemple du symbolisme qui l’emporte sur la substance, du maintien du statu quo sous l’apparence de la transformation. Je suis certaine que je ne suis pas la seule à avoir l’impression que les 14 derniers mois ont à la fois avancé à pas de tortue et défilé en un clin d’œil.
En mars dernier, le monde s’est arrêté. Nous avons dû cesser de voyager, d’aller au bureau et de souper le dimanche avec les grands-parents. Nous avons dû nous adapter. Semaine après semaine, mois après mois, nous avons été mis à l’épreuve. Nous avons vu la COVID balayer les maisons de soins de longue durée, car les résidents ne pouvaient pas accéder à l’équipement de protection individuelle ou aux tests rapides. Nous avons fermé nos frontières en tant que nation et de nombreuses provinces ont choisi d’en faire autant. Au cours de ces premiers mois, nous n’avions aucune certitude quant aux délais de production du vaccin. Pendant tout ce temps, des secousses ébranlaient l’économie, frappant le plus durement les petites et moyennes entreprises.
Nous voici maintenant 14 mois après le début de cette pandémie, et la vice-première ministre a déposé un budget dont on dit qu’il est axé sur les Canadiens et la classe moyenne, ainsi que sur ceux qui cherchent à s’y joindre. Cette obsession de la classe moyenne est une autre façon d’éviter de parler de l’écart grandissant entre ceux qui vivent dans l’extrême pauvreté et l’élite riche.
Nous sommes en proie à une crise du logement d’un bout à l’autre du pays. Non seulement il devient de plus en plus difficile pour les jeunes d’acheter leur première maison, mais les gens ne peuvent pas se permettre de louer un appartement, car les prix du marché locatif montent en flèche. Dans tout le pays, les gens n’ont toujours pas accès à un médecin de famille, à des professionnels de la santé mentale ou à la possibilité de payer les médicaments dont ils ont besoin pour vivre.
Une recherche publiée le mois dernier a révélé que plus de la moitié des Canadiens, soit 53 %, sont à moins de 200 $ de ne pas pouvoir payer leurs factures mensuelles. Parmi eux, 30 % déclarent être déjà insolvables, n’ayant plus d’argent à la fin du mois pour couvrir leurs paiements. Cette situation est inacceptable. Comment avons-nous laissé l’inégalité des revenus atteindre ce point? Comment se fait-il que nous ne soyons pas disposés à y faire face directement?
Au lieu de cela, le gouvernement préfère songer avec nostalgie à la classe moyenne, tandis que les banques augmentent leurs profits et que les enfants ont faim. Les gens traversent des moments difficiles. Les gens pour qui nous travaillons. Ils ont fait de leur mieux pour s’en sortir jusqu’à présent, mais depuis un mois ou deux, je sens le poids croissant de tout cela dans leur correspondance qui arrive à mon bureau.
Les réserves financières des gens sont épuisées. Leurs réserves émotionnelles sont épuisées. Ils n’ont pas besoin de manque de sincérité de la part de leur gouvernement. Ils ont besoin d’être vus. Lorsque plus de la moitié de notre population vit dans l’angoisse de ne pas pouvoir joindre les deux bouts ou d’en être déjà incapable, peut-être que ce concept de classe moyenne est davantage une relique d’une époque révolue.
Il est important de dire les choses telles qu’elles sont pour pouvoir y faire face avec intégrité. Je veux que nous ayons de véritables conversations sur la façon d’offrir la stabilité, la santé et le bien-être aux Canadiens, de les rencontrer là où ils en sont, de comprendre l’urgence et d’agir. Ce budget est une occasion manquée d’offrir aux Canadiens un véritable changement pour améliorer directement leur qualité de vie.
J’espérais que l’une des leçons tirées de la pandémie serait que nous avons pu agir rapidement et mettre en place des programmes qui ont changé des vies, comme la Prestation canadienne d’urgence. Ce programme a littéralement gardé des gens en vie dans de nombreux cas. Mais même avec la PCU, le gouvernement a fait preuve d’indifférence à l’égard des plus vulnérables. Nous avons déterminé un montant qui serait vivable, sachant très bien que nous continuions à demander aux personnes handicapées, aux aînés et aux bénéficiaires de l’aide sociale de vivre avec beaucoup moins.
Nous avions l’occasion d’offrir aux Canadiens une stabilité leur permettant de répondre à leurs besoins fondamentaux. Nous aurions pu offrir une forme de soulagement collectif grâce à un revenu de base garanti, au lieu de quoi de nombreux Canadiens retiennent encore leur souffle. Je ne retiendrai pas le mien en attendant que les promesses faites par le gouvernement se concrétisent.
J’aurais espéré que le budget intègre une autre leçon en s’attaquant au racisme et à l’inégalité systémique. Nous attendons toujours des mesures concernant les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues ou assassinées. Les mots ne les protégeront pas, ils ne permettront pas d’enquêter sur leurs cas comme ils le devraient, et ils ne permettront pas d’éradiquer la haine et la suprématie blanche dans notre société.
Le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme devrait avoir un plan solide pour aller dans le moindre recoin de nos institutions débusquer les vecteurs du pouvoir à l’œuvre depuis le début de la colonisation. Le racisme tue. Nous devons adopter le principe de Joyce qui vise à garantir que les Autochtones aient un accès équitable à tous les services sociaux et de santé et qu’ils bénéficient des normes les plus élevées, sans discrimination.
Il nous faut également des mesures concrètes et durables en faveur du changement dans le Code criminel, dans les services de police et dans le système carcéral. Nous savons que notre société ne pourra pas prendre son essor tant que nous n’aurons pas abattu les obstacles qui empêchent des personnes de vivre pleinement leur vie. Tant qu’il n’y aura pas de vraies réparations et une vraie justice, nous ne pourrons pas parler de réconciliation.
Ce budget est censé permettre de bâtir un Canada plus résilient, un Canada meilleur, plus juste, plus prospère et plus novateur, mais sans créer un revenu de subsistance garanti, je ne vois pas comment il aidera les Canadiens à être plus prospères. En refusant d’augmenter l’impôt sur les gains en capital et en se montrant réticent à créer un véritable impôt sur la fortune, il ne peut être question d’être meilleur ou plus juste.
Qui fera les frais des déficits prévus pour les prochaines décennies? C’est une chose d’annoncer des investissements qui s’imposaient depuis longtemps dans les soins de santé et le logement, mais il fallait les faire il y a des dizaines d’années. Le gouvernement aura-t-il le courage de créer un impôt sur les grandes sociétés qui profitent de la pandémie? À l’heure actuelle, ce sont elles qui se reconstruisent en mieux, et elles le font sur le dos des Canadiens.
La ministre a également déclaré que ce budget est en harmonie avec la période de transformation mondiale vers une économie verte et propre. Personne à la Chambre ne sera surpris que je soutienne vivement cette vision, mais j’aurais aimé croire que cette déclaration n’était pas de pure rhétorique. Je vois des possibilités dans la situation à laquelle nous faisons face. À l’heure où le monde entier cherche à se détourner des combustibles fossiles, nous avons une incitation à trouver le moyen de le faire, à investir dans des innovations qui permettront de répondre à la demande d’énergie avec des énergies renouvelables ou qui réduiront la demande totale d’énergie.
La perspective économique de nouvelles industries ajoutée à un effort pour réorienter les travailleurs vers ces secteurs est très prometteuse. Je sais que certains Canadiens, et même certains députés, voient en moi une idéaliste ou peut-être même une naïve, mais mon engagement envers les travailleurs en rotation dans ma province et ailleurs est réel. Je suis intimement convaincue que leur plus bel avenir n’est pas dans les allers et retours avec l’Alberta pour un travail qui décline dans une industrie mourante. Leur savoir et leurs compétences peuvent être transférés pour profiter à l’économie de demain, une économie durable et renouvelable, une économie qu’ils seront fiers de laisser à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Il faut du courage pour défendre ses convictions et pour faire ce qui est bien, même lorsque cela ne plaît pas à tout le monde.
Tous mes collègues à la Chambre ont le même objectif que moi, améliorer la vie des Canadiens, mais nous divergeons sur les moyens d’y arriver. En tant que femme, mère et éducatrice, je tiens surtout à mettre l’accent sur le bien-être des gens. Je sais que, si la société est saine et heureuse, tout le monde peut prospérer. Ce dont nous avons besoin, c’est un gouvernement qui a le courage de diriger, qui a une vision inspirante pour le Canada et qui est résolu à foncer avec confiance dans cette direction. C’est ainsi que nous transformerons la société. C’est ainsi que nous bâtirons le Canada de demain.
Monsieur le Président, je reconnais que mon collègue défend avec vigueur l’industrie des hydrocarbures. Toutefois, je précise que j’ai dit que cette industrie était mourante, non qu’elle était morte.
Il est évident qu’il y a toujours une demande pour le pétrole et le gaz canadiens et je tiens absolument à souligner que l’industrie est assujettie à des normes d’éthique au Canada. Néanmoins, il faut envisager la transition. Il faut utiliser le pétrole pour nous tourner vers l’avenir. On sait que les produits pétroliers sont encore utilisés et qu’ils le seront encore pendant un certain temps, mais il faut faire un effort conscient pour en modifier certains usages afin de nous diriger vers l’économie verte de l’avenir.
Il ne s’agit pas de dire que cette industrie est déjà morte, mais plutôt de se préparer à sa disparition et de reconnaître qu’un changement s’impose. On ne peut plus attendre.
Monsieur le Président, je suis également reconnaissante de cette question, surtout en tant que mère. Toute décision du gouvernement doit être prise en tenant compte des générations futures et de la façon dont elles pourront en bénéficier. À l’évidence, le secteur pétrolier et gazier contribue à la construction d’éoliennes et de panneaux solaires et à la production d’énergie renouvelable, qui est à la fois abordable et facilement disponible pour les Canadiens à l’heure actuelle. Voilà comment je perçois cette transition et sa mise en œuvre au Canada.
Je veux aussi souligner le besoin de réduire notre consommation d’énergie. Il existe de nombreux moyens de moderniser les immeubles commerciaux et résidentiels. Chaque Canadien prend au quotidien toutes sortes de décisions quant à sa consommation d’énergie. Nous avons donc les moyens de la réduire tout en répondant à la demande actuelle avec les énergies renouvelables.
Je veux aussi souligner que je ne crois pas qu’il faille envisager une expansion de l’énergie nucléaire. Je suis convaincue qu’il faut tout d’abord réduire la demande énergétique puis nous servir de l’incroyable technologie des énergies renouvelables dont nous disposons déjà.
Monsieur le Président, comme je l’ai mentionné, nous vivons une crise du logement qui se manifeste de différentes façons: des victimes de violence conjugale ne peuvent trouver d’endroit sûr où se réfugier avec leurs enfants, des campements sont érigés au cœur des grandes villes au pays. La situation est désastreuse. Nous sommes quand même au Canada, un magnifique pays prospère où chacun devrait avoir droit à un logement abordable. Ce n’est pas encore tout à fait le cas.
J’aurais aimé que des mesures plus énergiques soient prises pour régler ce problème. De nouveaux investissements ont été faits en matière de logement, mais nous savons que l’Initiative pour la création rapide de logements a été complètement submergée de demandes. Il faut faire beaucoup mieux.
Absolument, monsieur le Président. C’était agréable et encourageant de voir le plan de mise en œuvre d’une stratégie nationale de garde d’enfants, mais on n’avait pas effectué le travail de préparation avec les provinces et les territoires afin qu’ils s’y rallient. Il s’agit de notre principale critique de la motion du NPD qui a été présentée en faveur d’un programme national d’assurance-médicaments. Il y a un peu de dissonance cognitive à cet égard. En réalité, nous devons simplement unir nos efforts, accomplir le travail, produire des résultats pour les Canadiens et effectuer le travail préparatoire nécessaire pour que cela se concrétise tout en respectant les compétences provinciales.
Je suis prête à réaliser ce travail et je sais que mes collègues du NPD le sont aussi. Faisons en sorte que tous les autres députés se rallient à nous.