Madame la Présidente, le 23 octobre, j’ai demandé au gouvernement quand il mettrait en œuvre des normes nationales pour les soins de longue durée. J’ai été satisfaite de la réponse du secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé et j’ai hâte de l’entendre en parler davantage. Toutefois, je vais prendre un moment pour souligner la gravité de la situation à laquelle sont confrontés les travailleurs et les résidents des établissements de soins de longue durée.
Je parle aujourd’hui en tant que Canadienne, en tant que Néo-Brunswickoise, en tant que petite-fille et en tant qu’être humain. La conversation sur cet enjeu doit être entièrement axée sur les besoins des gens. La COVID-19 nous demande de faire face à de sombres vérités sur notre société, des vérités dont nous connaissions l’existence, mais que nous étions heureux d’ignorer jusqu’à ce qu’il soit malheureusement trop tard pour beaucoup de Canadiens.
Comme nous le savons, ce sont les Canadiens les plus âgés qui sont les plus vulnérables à la COVID-19. Malgré les avertissements précoces, les statistiques montrent que, bien que les personnes de 80 ans et plus ne représentent que 12 % de tous les cas de COVID-19 à ce jour, elles comptent 71 % des décès. Seulement 15 % des cas de COVID-19 signalés au Canada sont survenus dans des établissements de soins de longue durée, mais ceux-ci représentent quand même 77 % de tous les décès attribuables à la COVID-19 au Canada.
Nous savons que les personnes âgées vivant dans ces foyers sont vulnérables et qu’environ les deux tiers sont des femmes. Malheureusement, les personnes chargées de leur prise en charge et de leur protection sont également vulnérables. Un récent rapport indique que jusqu’à 90 % des soins dispensés directement dans les établissements de soins de longue durée sont fournis par des aides de service ou des préposées aux bénéficiaires. Ces postes sont connus pour n’offrir que de faibles salaires et des heures de travail à temps partiel. Il est à noter que près de 90 % de ces postes sont occupés par des femmes, souvent issues de groupes racialisés et marginalisés, y compris des nouveaux arrivants; de 25 à 30 % d’entre elles occupent plus d’un emploi, et 65 % déclarent ne pas avoir suffisamment de temps pour accomplir adéquatement les tâches de soins qui leur sont assignées. Nous n’arrivons pas à offrir aux travailleurs vulnérables des conditions décentes, et, du même coup, à assurer des soins de qualité aux Canadiens plus âgés.
Je trouve toujours intéressant de mettre ces chiffres en perspective. Au Nouveau-Brunswick, les aides de service qui travaillent au sein d’un foyer de soins de longue durée gagnent entre 14 et 15 $ l’heure. Le nombre d’heures qu’elles travaillent au cours d’une année leur permet de gagner 24 635 $, soit 6 000 $ de moins que la moyenne dans les autres provinces. Pour mettre cette réalité en perspective, je rappelle qu’il ne s’agit que d’un peu plus que la moitié du coût du panier de consommation à Frédéricton en 2018.
Le Syndicat des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick a récemment publié un rapport éclairant sur l’état des soins de longue durée au Nouveau-Brunswick. Bien qu’une étude réalisée en 2019 par la Coalition canadienne de la santé ait calculé que 4,1 heures de soins fournies par résident et par jour était la norme minimale pour des soins de qualité, le nombre d’heures de soins prescrit par le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne s’élève qu’à 2,89, et certains foyers ne sont même pas en mesure de respecter cette norme pourtant peu exigeante.
Il est évident que les établissements de soins de longue durée, tant privés que publics, exploitent les travailleurs à temps partiel peu rémunérés et souvent marginalisés. Ils ont du mal à maintenir un effectif complet parce que les conditions de travail et les salaires sont misérables. Les établissements n’ajoutent pas à leurs équipes d’aides gériatriques et de préposés aux bénéficiaires un nombre suffisant d’infirmiers et d’infirmiers auxiliaires pour s’occuper des soins de plus en plus complexes à prodiguer. Les résidants reçoivent de moins en moins d’heures de soins prodigués par le personnel, et leur état se détériore. Au cours de la pandémie, nous avons clairement vu à quel point ils peuvent être vulnérables et quels sont les vrais risques qui pèsent sur eux.
Il s’agit de savoir quel traitement nous réservons aux aînés, et c’est une question qui concerne les femmes au premier chef. En définitive, c’est la dignité humaine qui est en jeu, la dignité des résidants et des travailleurs des établissements de soins de longue durée.
J’ai utilisé des données provenant de plusieurs organismes, dont bon nombre ont demandé que des éléments des soins de longue durée soient inscrits dans la Loi canadienne sur la santé. Nombre de ces groupes ont explicitement demandé l’établissement de normes nationales. Le 26 octobre, j’ai joint ma voix à celle de la Coalition canadienne de la santé, de la Société royale du Canada et du Conseil des Canadiens, notamment.
Ce jour-là, le secrétaire parlementaire m’a confirmé que le gouvernement collaborerait avec les provinces et les territoires pour continuer à établir de nouvelles normes nationales de soins de longue durée. Peut-il nous parler davantage de ces efforts?