• Post published:novembre 16, 2020
  • Reading time:7 mins read
  • Post category:À Ottawa

Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre de nouveau la parole au sujet du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel concernant la formation des juges au sujet des agressions sexuelles.


À l’étape de la première lecture, des parlementaires mobilisés et passionnés de tous les partis ont prononcé des discours remarquables. J’adhère à ce que le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a dit dans son discours cet après-midi, soit que cette série de débats témoigne d’une certaine coopération dans le contexte d’un gouvernement minoritaire. J’en suis ravie et souhaiterais qu’il en soit plus souvent ainsi.

Je tiens à utiliser mon temps de parole d’aujourd’hui pour parler de l’occasion que j’ai eue de siéger au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, où j’ai déposé mes premiers amendements à titre de députée.

En tant que membre d’un parti non officiel, les occasions de prendre part à ce genre de débats importants sont aussi vastes que limitées. Mon caucus se compose de trois personnes, alors je suis porte-parole de 10 dossiers et je surveille 10 comités. Étant donné que je suis membre d’un parti non officiel, les occasions que j’ai de prendre part aux débats sont laissées à la discrétion d’autres députés. Je ne suis pas une membre permanente du comité de la justice et des droits de la personne. Toutefois, j’y ai été accueillie et traitée avec respect et je tiens à remercier officiellement tous les membres du comité de leur hospitalité.

Je souhaite également remercier mon incroyable équipe et plus particulièrement mon agent parlementaire de son travail et de son engagement en faveur des droits.

Je prends aussi un moment pour souligner le fait qu’un des quatre amendements que j’ai déposés a été accepté. J’apprécie sincèrement le soutien et les commentaires que j’ai reçus dans cette entreprise. Surtout, je me réjouis de ce que cela représente pour les Canadiens, les femmes et les victimes d’agressions sexuelles. Il s’agit d’un pas important vers la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada.

J’ai déposé trois autres amendements qui faisaient écho à ceux présentés par mes collègues libéraux et néo-démocrates. Je pensais comme eux qu’il fallait préciser adéquatement le terme « contexte social », car cela peut inclure tout un éventail de sujets. Mon équipe et moi-même avons écouté des représentants d’organismes et des intervenants. Nous avons jugé cela essentiel pour comprendre l’intersectionnalité de l’oppression systémique et de l’identité de genre, et le rôle qu’elle joue dans la perpétuation de la violence sexuelle.

Toutefois, j’ai été la seule à signaler la nécessité d’inclure des voix autochtones dans l’élaboration des colloques de formation et à reconnaître l’impact des échecs du système judiciaire sur les peuples autochtones. L’amendement que j’ai proposé au paragraphe 60(3) de la loi, tel qu’il figure dans le projet de loi C-3, fait que les dirigeants autochtones et les représentants des communautés autochtones seront consultés dans le cadre de l’élaboration de colloques destinés aux juges et portant sur le droit relatif aux agressions sexuelles.

Ainsi, les colloques portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles seront élaborés après consultation des dirigeants autochtones et des représentants des communautés autochtones. On se trouve à inclure les dirigeants autochtones dès le départ au lieu de les consulter après coup, comme on l’a déjà fait si souvent. On reconnaît véritablement le fait que le taux d’agressions sexuelles chez les femmes et les filles autochtones est trois fois plus élevé que chez les Canadiennes non autochtones.

Nous ne pouvons pas continuer à ignorer la prévalence de la violence sexuelle et ses impacts sur les femmes autochtones, métisses et inuites. Je crois que c’est essentiel. Cet article mentionne clairement que les dirigeants et les représentants autochtones doivent participer à l’élaboration de ces colloques.

Cette modification va dans le même sens que les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, et elle constitue une action majeure à la suite de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Je célébrerai cette victoire tout en m’engageant à continuer de tout faire pour que la dignité et les droits des peuples autochtones soient respectés dans ce pays.

J’ai reçu des commentaires intéressants à propos de cet amendement, selon lesquels il était perçu comme trop compliqué pour mettre explicitement en évidence les peuples autochtones dans le projet de loi et qu’il est dangereux de commencer à nommer différents groupes. J’en ai été stupéfaite, et ce, d’autant plus que la même semaine, nous avions débattu à la Chambre d’un projet de loi qui identifierait clairement, dans le serment de citoyenneté, les peuples autochtones comme premiers habitants de notre territoire, ce qui est une étape essentielle sur le chemin de la réconciliation.

Je rejette donc l’idée selon laquelle il est dangereux d’inclure des chefs et des représentants autochtones dans cet amendement. Il n’est jamais dans mon intention d’exclure quand je mets l’accent sur les peuples autochtones. C’est plutôt le contraire et cela correspond à la vision du monde qu’on m’a enseignée, qui inclut tous les individus et tous les peuples, qu’il s’agisse de Canadiens bispirituels, noirs ou d’autres couleurs.

En outre, cet amendement n’a jamais été hors du champ des possibles, car son objectif a été considéré comme une voie à suivre dans le rapport d’examen de la GRC sur les agressions sexuelles et dans son plan d’action pour le soutien aux victimes. C’est là que la GRC a souligné son intention d’élaborer un programme de formation sur les agressions sexuelles, notamment une formation obligatoire sur l’histoire du colonialisme et du racisme au Canada, la fonction du racisme et les mythes et idées fausses à propos des agressions sexuelles.

Le plan inclut une formation élaborée en collaboration avec des travailleurs de première ligne, des survivants et des organisations aux histoires très diverses, notamment des femmes et des filles noires et autochtones, des transgenres et des personnes non binaires. J’irais même jusqu’à dire que, si nous incluons des dirigeants et des représentants autochtones à tous les ordres de gouvernement et dans tous les secteurs au Canada, nous nous en porterons tous mieux.

J’aimerais terminer mon intervention de ce soir en offrant mes condoléances, mon amour et mes prières à la famille de Chantel Moore, qui vit une autre perte incommensurable en attendant le rapport de l’enquête sur sa mort. Nous ne pouvons prendre ces problèmes à la légère. Nous ne pouvons ignorer que, tout comme le dialogue sur le consentement et la violence contre les femmes évolue d’une génération à l’autre, le dialogue entourant le racisme systémique évolue lui aussi.

Tout comme nous offrons à la magistrature d’aujourd’hui l’éducation dont elle a besoin pour évaluer les questions de consentement et de viol, nous devons également lui inculquer une compréhension du racisme systémique et de la corrélation entre ces problèmes. En adoptant le projet de loi C-3, nous disons aux femmes du Canada, y compris aux femmes autochtones, qu’elles sont importantes, que nous les croyons, que nous ferons tout en notre pouvoir pour que justice soit faite pour les crimes qui ont été commis contre elles, et que plus jamais les préjugés d’un juge mal éduqué n’empêcheront que justice soit faite.