Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de Sydney—Victoria.

Je tiens d’abord à reconnaître que je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe. La notion de respect est au cœur des croyances des Anishinabes. Chaque élément fait partie du cycle de la vie. Chacun a son utilité et mérite autant de respect. Nos relations sont ce qui compte le plus, et nous devons les chérir.

Je mentirais si je disais que je ne suis pas profondément attristée de devoir participer de nouveau, ce soir, à cette conversation essentielle sur la véritable crise concernant les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones portées disparues ou assassinées. Même si la conversation évolue constamment, nous devons admettre qu’elle ne se traduit pas assez rapidement par des gestes concrets qui font une différence pour les familles des personnes disparues, y compris celles qui se trouvent dans ma collectivité, à Fredericton.

Comment en sommes-nous arrivés là? C’est une question que nous ne nous posons pas assez. Je me souviens quand j’ai été sensibilisée à cette question pour la première fois. Mon beau-père enseignait les études autochtones et il apportait son expérience vécue en classe. Il a participé à la résistance de Kanesatake et il a toujours représenté les voix abénaquises à I’ONU. Il est gardien de loge, gardien de la langue et porteur du calumet. Dès mon plus jeune âge, il me faisait part de la vérité sur les injustices commises à l’égard des peuples autochtones au Canada et sur le fait que les femmes étaient prises pour cible en raison de leur force, de leur leadership et de leur résilience.

Les femmes et les filles donnent vie aux nations, mais elles représentaient une menace inhérente aux objectifs de la colonisation et de l’assimilation. J’ai appris avec horreur que les femmes autochtones étaient tuées ou portées disparues à un taux nettement plus élevé que les autres et que les forces de l’ordre étaient bien trop souvent lentes à enquêter ou à leur faire justice, si elles le faisaient tout court. Seuls 53 % des cas de meurtre figurant dans la base de données de l’initiative Sœurs par l’esprit ont été résolus, contre 84 % de tous les cas de meurtre dans l’ensemble du pays.

Nous nous sommes souvent sentis seuls dans nos efforts de sensibilisation. Les médias n’en parlaient pas à l’époque. Il n’y avait pas de manifestations et personne ne savait ou ne se souciait de savoir de quoi nous parlions. Nous avons parcouru beaucoup de chemin au Canada depuis cette époque, mais cela ne suffira pas à ramener ces femmes à la maison. C’est un problème de misogynie, de racisme et de discrimination systémique. Aujourd’hui, j’aimerais que la discussion en soit une d’espoir — qu’elle ne vise pas seulement la sensibilisation ou l’éducation, mais aussi un large consensus et une action rapide. Elle peut offrir l’espoir pour des ressources adéquates, un changement de politique et de la justice. Nous sommes ici pour veiller à ce que les lois du pays et la société canadienne fassent preuve de responsabilité et que des femmes et des filles ne nous soient plus enlevées à cause de la violence.

La question des femmes et des filles autochtones portées disparues ou assassinées n’est pas un phénomène étrange. Elle n’est pas le résultat de circonstances inexpliquées. Nous en connaissons les causes profondes, auxquelles nous pouvons et devons nous attaquer. Nous savons, par exemple, que le logement est un élément fondamental du problème et que les femmes autochtones sont cinq fois plus susceptibles de se trouver en situation d’itinérance. Les investissements actuels ne sont pas suffisants, mais les députés, moi y compris, travaillons pour changer les choses dans les collectivités de tous le pays. Nous assistons à un changement de discours, et des solutions existent.

Je regarde autour de moi à la Chambre et je suis extrêmement fière et honorée de collaborer avec tant de députés dévoués et sensibilisés, tous partis confondus, représentant toutes les régions du Canada. Je les remercie tous pour leur collaboration, leurs efforts continus pour défendre cette cause, leur amitié, leurs enseignements et leur ténacité. Je me sens choyée de savoir que de vrais alliés sont en position d’agir. Je ressens une synergie qui n’existait pas dans cette enceinte auparavant ni dans notre pays d’ailleurs. Je suis plus convaincue que jamais que nous allons donner l’élan au changement requis pour améliorer les choses. Je sais que toutes les personnes qui ont pris la parole ce soir ont été profondément inspirées par les conversations avec les leaders des collectivités, les aînés, les représentants des organismes et des partenaires qui portent cette cause à bout de bras et qui ouvrent la voie pour réaliser des progrès.

Je veux profiter de cette occasion pour remercier des habitants de ma circonscription qui améliorent concrètement la vie de leurs concitoyens. Ce sont les femmes autochtones des territoires abénaquis, l’équipe du centre d’amitié Under One Sky, la maison de transition Gignoo, les leaders, les chefs et les conseils traditionnels, les directeurs des services de santé, les directeurs de l’enseignement et les enseignants de la langue et de la culture. J’utilise ma voix pour donner plus de poids à la leur, car ce sont ces personnes qui m’inspirent à me surpasser.

Ne perdons pas cet élan. Ne perdons pas une autre vie à cause de la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.
 
Le 5 mai, nous soulignons la Journée de la robe rouge. Les marches de la robe rouge rassemblent les gens et réconfortent les familles et les proches. Les manifestations publiques silencieuses font la lumière sur les personnes qu’on a perdues. N’oublions jamais leurs histoires et leurs passions. Honorons leur vie et prenons dès maintenant des mesures pour mettre fin à cette crise. Woliwon.
Madame la présidente, j’apprécie sincèrement les enseignements que transmet ma collègue de Nunavut au comité des affaires autochtones et du Nord.
 
J’appuie sans réserve le système d’alerte robe rouge. J’ai été très heureuse de voir qu’il en était question dans le budget de 2023 et que des mesures sont déjà prévues pour sa mise en place. Je tiens également à souligner le leadership dont la députée de Winnipeg‑Centre a fait preuve en présentant le projet. Je n’en avais jamais entendu parler auparavant, mais je crois vraiment qu’il aura un impact immédiat. Il permettra à tout le moins de donner suite à cet appel à l’action dont nous entendons parler. Il aidera la population à réaliser à quel point il est urgent de mettre fin à cette crise. Je suis convaincue que ce système permettra de sauver des vies.
Madame la présidente, comme je l’ai indiqué dans mon intervention, c’est l’une des causes fondamentales de ce problème et de cette crise au Canada. Je pense qu’il nous incombe à tous, en tant que députés, de faire ce travail et de mener ces discussions dans nos communautés respectives.

Personnellement, je rencontre régulièrement l’équipe de direction de la division J de la GRC, dans ma circonscription, ainsi que la police municipale de Fredericton, pour les encourager à poursuivre leurs efforts. Dans quelle mesure respectent-ils le plan d’action? Quelles sont les stratégies qu’ils adoptent pour éviter que d’autres familles de notre collectivité vivent cette situation?
 
Je ne suis pas toujours satisfaite des réponses que j’obtiens. Cependant, ils savent que je suis là pour les motiver et que je ne baisserai pas les bras tant que nous n’aurons pas trouvé une solution à ce problème.
Madame la présidente, j’ai vraiment essayé d’examiner le dossier d’un point de vue multidimensionnel. Je crois que la question est très complexe et qu’il y a de nombreuses choses que nous pouvons faire.

Je suis incroyablement fière du travail du comité des affaires autochtones et du Nord. Je tiens à souligner une fois de plus le travail des députés de Nunavut, d’Haliburton—Kawartha Lakes—Brock, de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill et de Manicouagan, ainsi que celui de bien d’autres. Nous travaillons vraiment en collaboration. Nous sommes tous là pour les bonnes raisons et nous sommes tous parvenus à une entente. D’ailleurs, nous avons amorcé les travaux du comité en nous prêtant à l’exercice des couvertures simplement pour que nous comprenions tous le passé collectif qui nous unit et le devoir que nous avons à titre de parlementaires de nous mettre au diapason pour traiter de ce dossier.

J’ai également eu la chance de parrainer à la Chambre le projet de loi S‑219, Loi concernant la Journée nationale de la jupe à rubans, laquelle a lieu le 4 janvier. La démarche a été entreprise par la sénatrice Jane McCallum au nom d’Isabella Kulak et de sa collectivité, en Saskatchewan.
 
Ce sont là des exemples de mesures concrètes que nous pouvons prendre pour honorer et chérir les femmes autochtones et respecter la culture et l’identité des Autochtones au Canada. J’estime qu’il s’agit d’un élément clé dans toute cette discussion que nous tenons ce soir.