Madame la Présidente, ce soir, en ce Jour de la Terre, je reviens sur un enjeu que j’ai soulevé le 19 février à la période des questions. Ma question visait essentiellement à mettre en évidence l’écart qui existe entre les paroles et les actes du gouvernement par rapport aux droits des peuples autochtones et à la lutte contre la crise climatique. Ces deux sujets semblent très éloignés l’un de l’autre, mais sont en fait intimement liés.
Je souhaite tout d’abord souligner qu’aucune communauté au Canada ne lutte plus ardemment pour protéger l’environnement naturel que ne le font les peuples autochtones. Les peuples autochtones sont les gardiens de la Terre-Mère. Ils connaissent et respectent ses dons et son pouvoir. Ils prônent de prendre uniquement ce dont nous avons besoin et de le faire avec précaution, en faisant attention à la quantité que nous prélevons et à la méthode utilisée, pour ne pas mettre les générations futures en péril.
En 2015, lors de la conférence issue de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le premier ministre a reconnu que « Les peuples autochtones savent depuis des milliers d’années comment prendre soin de notre planète. Les autres, nous, nous avons beaucoup à apprendre. Et pas de temps à perdre. » Il a bien dit « pas de temps à perdre. » Deux ans plus tard, le gouvernement a acheté l’oléoduc Trans Mountain avec les deniers publics. Le ministre des Finances de l’époque a dit que le projet était dans l’intérêt national et, qui plus est, représentait un investissement dans l’avenir du Canada. Cette décision va non seulement dévaster des écosystèmes indispensables, comme l’habitat des épaulards résidents du Sud, mais il a aussi fait l’objet de l’opposition farouche des Premières Nations dont les territoires en seraient touchés.
Cette histoire se répète sans cesse. Aujourd’hui, un nouveau chapitre se joue sur le territoire des Inuits. Financer l’industrie pétrolière et minière, acheter un oléoduc et promouvoir l’énergie nucléaire, qui continuera d’avoir des conséquences désastreuses sur les écosystèmes dans des dizaines de milliers d’années, ce n’est pas l’œuvre de personnes que l’on pourrait considérer comme des chefs de file de la réconciliation ou de la lutte contre les changements climatiques. Faire fi des voix des aînés, des jeunes, des chefs héréditaires et des chefs élus, et effectuer des consultations après coup, ce n’est pas un comportement propice à la réconciliation. Incohérences, incertitude et même déception: voilà ce que connaissent les nombreux habitants du pays nommé Canada, lorsqu’ils apprennent les décisions du gouvernement concernant la crise climatique et la réconciliation.
En ce Jour de la Terre, il est urgent que le gouvernement agisse avec courage et compassion pour le bien de la planète et de tous ses habitants. Qu’est-ce que le gouvernement a à dire aux jeunes qui font la grève de l’école tous les vendredis et qui désespèrent d’obtenir une réponse crédible? Le développement et les excédents budgétaires n’auront plus de valeur lorsque le dernier cèdre ancestral aura été abattu, lorsque la dernière harde de caribous forestiers se sera éteinte et que les rivières seront polluées jusqu’à la dernière goutte. J’entends les grognements inévitables des détracteurs enclins à rejeter les paroles d’une écolo. Comment sommes-nous parvenus à être déconnectés du monde naturel au point de penser que nous en sommes séparés et que nous sommes supérieurs par rapport à lui?
Honnêtement, s’engager à respecter les droits des peuples autochtones et à lutter contre les changements climatiques n’est pas une chose que l’on peut faire à moitié ou sans conviction. Les Canadiens ont besoin d’un gouvernement qui prendra un engagement avec détermination, sans détour ni compromis, pour l’avenir des générations futures, un avenir où nos enfants auront droit à un monde naturel et seront conscients de leurs responsabilités envers celui-ci. Nous devons écouter, apprendre et appliquer le savoir des Autochtones, qui connaissent la terre, ses rivières, ses forêts et qui savent comment vivre en harmonie avec toutes les formes de vie, en les respectant.
Le gouvernement doit diriger cette transition, ce virage culturel nécessaire, et ce, non pas dans 10 ans, mais dès maintenant.
Madame la Présidente, j’espère que nous pourrons à la fois promouvoir les droits des Autochtones et lutter contre la crise climatique. N’oublions pas ce qui est en jeu. Il faut penser à l’avenir de nos enfants.
D’ailleurs, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a mentionné sa fille à maintes reprises pendant ses discours. Il a même dit qu’elle l’a exhorté à en faire davantage. Ce sont les jeunes qui me donnent de l’espoir lorsque je suis découragée. Ce sont eux qui me donnent l’énergie nécessaire pour contribuer à trouver des solutions. Ce sont les leaders d’aujourd’hui parce qu’ils sont conscients de l’urgence de la situation. Le programme de troisième année comprend notamment des notions comme les cycles biologiques, la biodiversité et les espèces en péril. Les jeunes sont capables de comprendre, alors pourquoi pas nos dirigeants élus?
Qu’il s’agisse de la militante anishinabe Autumn Peltier, qui se bat pour l’accès à l’eau potable pour tous, ou de Loïck Thomas, du Nouveau-Brunswick, qui, à l’âge de quatre ans, avait déjà ramassé personnellement 1 000 sacs de déchets, les jeunes me rappellent que la volonté de protéger l’environnement et la curiosité à l’égard du monde qui nous entoure fait partie intégrante de l’esprit humain.
Le gouvernement doit agir dans l’intérêt supérieur des jeunes Canadiens, car ce sont eux qui devront trouver les solutions aux problèmes catastrophiques auxquels le gouvernement n’a pas le courage de s’attaquer de front jusqu’à présent.