Monsieur le Président, j’ai été élue députée il y a maintenant un an. Ce rôle m’a permis d’apprendre énormément de choses. J’écoute ce que des gens, des représentants d’organismes et des défenseurs de droits ont à dire. L’écoute est au coeur des discussions sur la question de l’aide médicale à mourir. Aujourd’hui, je vais à mon tour parler d’une question qui nous touche tous.
La mort reste un sujet tabou dans notre société. Pourtant, nous devons tous y faire face un jour, que ce soit notre mort à nous ou celle de nos proches. Ce n’est pas un sujet facile, mais pour les personnes à qui il reste moins de temps, nous devons écouter et faire avancer ce projet de loi.
Le débat sur le projet de loi C-7 a été passionné, émotif et âpre, et c’est normal. Je souhaite féliciter tous les députés des efforts qu’ils ont déployés au nom des électeurs de leur circonscription respective, des membres de leur famille et de leurs amis. Je leur suis reconnaissant. Chacun d’entre nous s’est entretenu avec les électeurs de sa circonscription pour connaître leurs opinions et écouter leurs histoires. Les députés ont plus que jamais démontré leur côté humain. Les discours prononcés devant la Chambre étaient empreints de professionnalisme et d’intégrité, ainsi que d’un engagement profond envers les droits fondamentaux des Canadiens.
Il est parfois nécessaire de nous rappeler que la Constitution est une belle chose. C’est la raison pour laquelle je suis si fière d’être Canadienne et je me sens si honorée d’avoir le privilège de défendre et de faire respecter la Charte des droits et libertés.
Je me souviens d’avoir étudié la Charte en profondeur pour la première fois alors que j’étais en 11e année. Je me souviens de la façon dont je me suis sentie en la découvrant, de la façon dont cela m’a fait réfléchir à nos vies et à nos interactions les uns avec les autres, et du sentiment de responsabilité qu’elle a suscité en moi. C’est à cette époque que j’ai su que je voulais un jour me lancer en politique. Bien que cela semble lointain, ce n’est que récemment que j’ai compris qu’il était urgent de modifier les lois, notamment en ce qui concerne les questions relatives à l’aide médicale à mourir et à leur rapport avec la Charte.
Je me suis penchée sur la question et, n’ayant pas d’expérience vécue, j’ai songé à des scénarios et des situations effroyables auxquels je ne voudrais pas faire face, de crainte d’enfreindre les droits garantis par la Constitution si des erreurs étaient commises. Nombre d’intervenants qui s’inquiètent des répercussions du projet de loi sur les personnes vivant avec un handicap ou sur celles qui ont des pensées suicidaires m’ont exprimé ces mêmes préoccupations. J’en ai pris connaissance et j’ai examiné le projet de loi à la lumière de leur point de vue. Même si je sais que certaines de ces personnes ne sont toujours pas d’accord avec moi, je tiens à ce qu’elles sachent que je suis convaincu que le projet de loi établit un bon équilibre et qu’il n’entraînera pas les répercussions qu’elles craignent.
J’ai aussi cherché des occasions de parler avec des gens que le projet de loi interpelle personnellement. Il s’avère que beaucoup de personnes sont disposées à discuter de leur souhait de mourir dans la dignité ainsi que de leurs préoccupations concernant le processus actuel et les modifications proposées. Ces personnes m’ont parlé de leurs efforts pour garantir leur droit à l’autonomie corporelle pendant leurs derniers moments sur terre. Il est ressorti des conversations intenses que j’ai eues avec ces personnes que les questions des demandes anticipées, de la capacité à consentir ainsi que du caractère discrétionnaire de la décision de considérer la mort comme prévisible étaient les obstacles à surmonter pour qu’elles puissent avoir la tranquillité d’esprit découlant du contrôle sur leur propre mort et sur les moyens de soulager la douleur pendant les derniers moments.
À l’heure actuelle, il y a des Canadiens qui endurent des souffrances intolérables depuis longtemps. Ils ont déjà obtenu une ordonnance de non-réanimation. Ils ont établi leurs dernières volontés et rédigé leur testament, et ils ont payé d’avance leurs arrangements funéraires. Ils ont démontré leur aptitude en se préparant à mourir. On devrait aussi leur faire confiance lorsqu’il s’agit de prendre une décision sur la façon dont ils veulent mourir. Si nous les privons de cette possibilité, alors nous manquons à nos obligations envers eux. Nous avons permis à nos lois de faire fi de l’intégrité et de l’autonomie physiques, ce qui va à l’encontre du droit à la sécurité de sa personne.
J’aimerais aussi parler des termes comme « aide au suicide » et « euthanasie ». Les mots que nous employons sont importants, et il ne faut pas oublier que ce projet de loi vise à modifier une loi sur l’aide médicale à mourir. Nous savons que le pronostic médical sert de mesure de sauvegarde. C’est la mesure qui fait autorité pour protéger les personnes vulnérables.
La réalité, c’est qu’il arrive extrêmement souvent que les Canadiens doivent vivre à la fois avec une maladie mentale et une maladie physique, et cela ne devrait pas représenter un obstacle au droit à l’autonomie physique en fin de vie. Il arrive fréquemment qu’une grave dépression accompagne d’autres problèmes de santé, et c’est souvent le cas chez les personnes handicapées. Prenons aussi l’exemple d’une personne bipolaire qui finit par être atteinte d’un cancer en phase terminale. Cette condition préexistante, qui peut s’aggraver dans une situation aussi stressante, ne peut justifier d’aller à l’encontre de la volonté d’une personne de décider comment elle veut mourir.
En conclusion, je continue de soutenir fermement que le Canada doit fournir un accès rapide à des services efficaces de santé mentale, y compris des services de consultation en personne et, au besoin, l’accès à un psychiatre, en plus de services complets de soutien communautaire. Nous devons aussi établir des normes nationales pour les soins de longue durée afin de nous assurer que les établissements destinés à loger les aînés offrent une qualité de vie qui les garde en santé et actifs tout au long de leur vieillesse. De plus, nous devons investir dans des soins palliatifs robustes de sorte que les personnes puissent vivre dans la dignité, même dans les derniers jours difficiles.
Je pense au centre de soins palliatifs Hospice Fredericton et à la belle expérience paisible que vivent les personnes et leur famille dans cet environnement. La possibilité d’accueillir la mort paisiblement devrait être offerte à ceux qui le souhaitent. Nous devons également écouter les Canadiens handicapés et leurs défenseurs et accorder de l’importance à leur opinion. Nous pouvons faire tout cela même si nous adoptons le projet de loi.
Je ne crois pas que l’aide médicale à mourir crée le risque que des patients soient forcés de recevoir cette procédure contre leur gré. Des mesures de sauvegarde empêchent cela. J’estime que mon devoir d’honorer la Charte des droits et libertés me dicte d’adopter les projets de loi tels que celui-ci pour faire en sorte que tous les Canadiens jouissent de la sécurité de leur personne tout au long de leur vie.
J’appuierai fièrement le projet de loi. C’est une question de justice et d’empathie. Respectons le souhait des personnes en n’intervenant pas dans leur décision. Assurons la tranquillité d’esprit des Canadiens de sorte qu’ils puissent dicter le dernier chapitre de leur vie et qu’ils soient jusqu’au bout maîtres de leur destinée.